11.01.2008

Les livres lus par DANIEL - lecteur vorace

confgoogleVoici le bilan et les critiques des livres lus par DANIEL depuis le 1er janvier 2008. 133 livres, soit 32493 pages


Xabi Molia, Reprise des hostilités, Paris, Seuil, 2007 (de la page 108 à fin, page 351 - 243 pages)
Marin cherche à venger son père, licencié par une entreprise lambda dans le cadre d’une restructuration, en entrant dans la garde rapprochée du parti provincial qu’anime celui qui pilotait ladite entreprise au temps de ladite restructuration. En désaccord avec les thèses populistes du responsable, il cherche à faire taire sa conscience, à la distraire dans des activités artistiques à Paris. On finit par retrouver Marin au paradis, un paradis un peu décadent en ce début de vingt et unième siècle.


Collectif, Petits crimes italiens, Paris, Grasset, 2007 (410 pages)
Neuf auteurs italiens de textes noirs se sont mis ensemble pour produire un puissant recueil de nouvelles très diverses, liées par un point commun: l'Italie. Drôles ou sérieuses, sages ou déjantées, elles accrocheront le lecteur en fonction de ses affinités. Personnellement, j'avoue une préférence pour Mon trésor de Niccolò Ammaniti, où l'on voit un chirurgien esthétique dépravé planquer un gros sachet de drogue en s'en servant pour un implant mammaire... puis chercher à le récupérer, deux ans plus tard, après une obscure peine de prison. Une autre m'a branché également, Equivoques et malentendus d'Andrea Camilleri, dont le titre est tout un programme, qui tient ses promesses.

Alfred Gehri, Le roman d'une pièce - 6e étage, Genève, Cailler, 1948 (pages 21 à 179, soit 158 pages)
Avant même que ce genre ne porte ce nom, le dramaturge suisse propose ici le making-of de sa pièce à succès 6e étage, créée à Lausanne en 1937, puis reprise à Paris et dans le monde entier dans de multiples traductions. Ecrit à la manière d'un roman plutôt tranquille, ce témoignage fait revivre l'ombre des Pitoëff, de Jouvet, de Dullin, de Brasillach, de Gide, de Shaw même... mais ravive surtout le souvenir de tout un peuple de petites gens qui ont vécu dans des chambres de bonnes, sous les toits de Montmartre - au sixième étage, justement. Un sixième étage montmartrois où l'auteur a vécu.
Ouvrage repris après la lecture du chapitre 1, il y a plusieurs mois de cela, d'où le départ en page 21 seulement.

Christian Deslarzes, Hippocrate enchaîné, Vevey, Xenia, 2006 (212 pages)
Ecrit par un médecin relativement connu, cet ouvrage a été publié dans le contexte précédant le vote des Suisses sur le principe d'une caisse maladie unique pour tout le pays. Je m'attendais à y trouver des arguments en faveur d'un tel système, toujours utiles à connaître puisque même si, depuis, le projet a échoué face au peuple, on sait que les acteurs (politiques) n'abandonnent jamais. Résultat: je me suis retrouvé face à un essai plutôt brouillon pratiquant l'amalgame à l'occasion, plaidoyer pro domo pour la profession médicale, que l'auteur considère comme vendue au Grand Kapital. De la part des éditions Xenia, je m'attendais à mieux... surtout depuis ma lecture du brillant Comment le Djihad est arrivé en Europe, de Jürgen Elsässer.
Allez, au suivant...

Monsieur Z, Ministère amer, Grolley, Editions de l'Hèbe, 2007 (137 pages)
Monsieur Z a travaillé pendant trois ans et demi dans un ministère parisien, d'abord comme stagiaire, puis comme contractuel. Il évoque ses expériences dans ce petit livre, qu'il fait paraître dans une non moins petite maison d'édition suisse (fribourgeoise) qui a des visées sur l'Hexagone après avoir trouvé ses marques en Belgique. Concrètement, l'ouvrage évoque des choses vues, et développe de nombreuses considérations qui ne peuvent manquer d'inquiéter ou de faire sourire, de par leur caractère kafkaïen ou ubuesque, selon le point de vue. Une lecture agréable et rapide! Dans le genre, cependant, j'ai préféré Les Nouveaux ronds-de-cuir de G.-X. Culioli, qui fait une part plus grande aux personnes.

Mireille Delmas-Marty, Le pluralisme ordonné, Seuil/La couleur des idées, 2006 (282 pages)
Pan dans les dents! Voilà un ouvrage qui présente, de manière structurée et argumentée, les enjeux de l'internationalisation du droit: rythme de l'adaptation des législations, privatisation du droit (quand les entreprises dictent leurs conditions), compréhension commune, pluralisme versus pluralité, recherche du juste équilibre entre un droit supranational rigide et une approche laissant trop de marge de manoeuvre aux Etats,... Le tout est illustré par une poignée d'exemples qui servent tout au long de l'ouvrage: protocole de Kyoto, traité constitutionnel européen, cas de la Chine, etc. Mais je ne cache pas que cette lecture n'a rien eu d'évident pour moi, qui n'ai eu droit qu'à six journées de cours de droit administratif dans ma vie...

Marcus Malte, Garden of love, Zulma, 2006 (318 pages)
Ce roman n'a rien d'une bluette! Il embarque son lecteur dans un récit qui peut sembler étrange au premier abord: il faut s'habituer aux personnages, aux changements incessants de points de vue, aux jeux de cache-cache auxquels l'auteur se livre, avec une habileté indéniable. Mais le lecteur qui se laisse prendre par la main se retrouvera embarqué dans une histoire où se côtoient les moments de bonheur nimbés d'inquiétude et les heures tragiques, fortes, violentes. Le tout est porté par un style aux apparences brutes, mais qui est le fruit d'un travail tout en finesse. En conclusion, Marcus Malte livre là un ouvrage sombre, qui révèle une maîtrise incroyable de l'écriture. D'excellents moments de lecture, à déguster de préférence en écoutant les Impromptus de Schubert... ou le Requiem de Fauré.

Philippe Beaussant, Stradella, Folio, 2001 (374 pages)
Entre roman, causerie et biographie, le musicologue retrace ici quelques épisodes hauts en couleur du compositeur italien Alessandro Stradella. Le lecteur découvre ainsi de belles histoires d'amour et d'aventures, mais aussi le verbe confidentiel d'un auteur qui se souvient et raconte sa propre existence et les vicissitudes de la création, tressant habilement le vrai et le faux. Travestis, bretteurs, barbons: on se croirait dans un opéra.

Jean Cau, Le Candidat, Vevey, Xenia, 2007 (96 pages)
Témoignage précieux de Jean Cau, candidat à l'Académie française. On a droit à tout: ses états d'âme face à son prédécesseur, ses idées pour un futur éloge, le compte rendu de ses visites aux Immortels en place. Le tout est vif, haut en couleur, bouillant même. Et comme c'est un petit livre, c'est vite lu... Préface d'Alain Delon.

Thierry du Sorbier, Ottaviana, Paris, Buchet-Chastel, 2005 (221 pages)
Ne pas chercher ici beaucoup de logique cartésienne: Thierry du Sorbier emmène son lecteur dans un univers onirique et décalé où un personnage prénommé Amnésie, capable de voler, tombe éperdument amoureux d'une chausseuse, Ottaviana. Dès lors, tout le livre consistera à lui courir après. Amnésie est en contact avec son frère, qui monte des affaires avec des bananes en Afrique avant de se lancer avec de la chirurgie esthétique; il est également philatéliste. Et tout cela va le servir dans sa quête, qui l'amène des toits de Paris à Venise, New York, la Suisse, le Périgord, etc. Une agréable lecture aux arômes à la Queneau.

Sorj Chalandon, Une promesse, Paris, Grasset, 2006 (274 pages)
Comment dire... au début, on se demande vraiment dans quoi on se plonge. Et qu'est-ce que c'est que cette promesse? Il faut laisser au livre le temps de s'installer (heureusement, ça se lit vite): il a toutes les réponses. Au final, ça donne une belle histoire de secret de village, qui fonctionne et se révèle peu à peu, dans une forme assez originale qui fait alterner le passé et le (quasi) présent.

P. J. Lambert, Le vengeur des catacombes, Paris, Fayard, 2007 (440 pages)
Il s'agit là du Prix du Quai des Orfèvres 2008. Une lecture rapide, agréable et somme toute passionnante dont l'intrigue commence au coeur des catacombes de Paris. On peut regretter que l'auteur abandonne ce décor pour poursuivre son action au niveau du sol; et pour apprécier ce livre, il faut aimer les dialogues! Cela dit, l'affaire fonctionne bien, en mettant en scène des policiers des deux sexes et un journaliste honnête mais qui aime les femmes... Ajoutez à cela quelques affaires de psychopathes, et vous comprendrez que, comme le dit le prière d'insérer, ce roman va "des bas-fonds de Paris aux tréfonds de l'âme humaine!". Un classique, mais qui fonctionne.
Et puisqu'on parle de Prix du Quai des Orfèvres, je recommande, dans la foulée, la lecture de "Crève, l'écran!" d'André Klopmann. C'est le premier lauréat suisse du prix, et j'ai été amené à collaborer avec lui quelques semaines.

Patricia Macdonald, Personnes disparues, Paris, Livre de Poche, 1999 (383 pages)
Pour varier les plaisirs, je me suis donc fait un bon gros thriller des familles, gagné en 2006 au Championnat d'orthographe de la Creuse, à Saint-Vaury. L'ouvrage est solidement construit, et témoigne d'une technique irréprochable de narration: le lecteur, à la fin, a les réponses à toutes les questions qui se posent au départ: qui a violé qui, qui est le méchant pédophile, qui est l'affreux kidnappeur de bébés? Tout cela, on s'en doute, se déroule aux Etats-Unis, dans de petites villes de la Côte Est. Le style est standard (rien à chercher de ce côté!), les personnages ont le minimum d'épaisseur qui fait qu'on y croit. Tout au plus peut-on regretter que les parents du bébé kidnappé (eh oui, c'est de cela qu'il s'agit!) soient très en retrait dans cette histoire. Distrayant.

Martine Magnaridès, Ceux de Mortemer, Lausanne, L'Age d'Homme, 1997 (235 pages)
Ce roman retrace la vie d'un couvent pauvre à la fin du XVIIIe siècle, alors que la Révolution française est imminente, puis éclate. Française d'origine, domiciliée dans le canton de Vaud où elle a produit toute son oeuvre, Martine Magnaridès crée ici un univers des plus poétiques. On goûtera la lenteur de la narration du début, synonyme du caractère intemporel de la vie monastique. Et l'on appréciera également les passages plus rapides où se concentre l'action, en particulier vers la fin, où se concentre le tragique: morts, arrestations, etc. Un très beau roman, écrit en mode mineur pour les ambiances, et en mode majeur pour ce qui est du style, qu'on goûte à doses mesurées.

Louis-Bernard Robitaille, Le Salon des immortels, Paris, Denoël, 2002 (315 pages)
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'Académie française sans oser le demander: tel pourrait être le sous-titre de cet ouvrage fort complet sur la vénérable institution du Quai de Conti. Tout y est abordé avec un regard critique: histoire, idéologies, personnalités, mode d'élection, patrimoine immobilier (si, si!). L'auteur a eu le souci de retracer un état d'esprit, par ailleurs illustré par une poignée d'entretiens (les "visites" intercalaires) avec des Immortels en place au moment de l'écriture de cet ouvrage. Le tout se laisse lire fort agréablement, ce qui ne gâche rien.

Tom Wolfe, Moi, Charlotte Simmons, Paris, Presses Pocket, 2007 (1008 pages)
Charlotte Simmons? Une jeune provinciale américaine hyper douée qui se retrouve dans la cour des grands, à savoir dans une université de prestige où les fils de gros sacs se retrouvent pour faire la foire et, accessoirement, étudier. La jeune femme va passer par tous les états, de la fierté bafouée à la dépression nerveuse. Autour d'elle, une nuée de mecs qui sont autant d'occasions, pour l'écrivain, de montrer certains aspects de la vie des campus américains: équipe de basketball, fraternités et sororités, journal des étudiants, cercles de pensée. Le tout constitue un portrait-charge des établissements américains d'enseignement supérieur, entre Bridget Jones et le tragique le plus sombre. Le tout est porté par une langue efficace, rapide, parfois musclée - tout au plus peut-on regretter le maintien du mot "fuck" dans la traduction, qui sonne parfois un peu artificiel en français. La fin me paraît un peu trop ouverte, par ailleurs: l'héroïne n'a certainement pas réglé tous ses petits problèmes, ni d'ailleurs certains autres personnages. Mais enfin, le bilan de cette grosse lecture bien savoureuse reste amplement positif!

Eric Jourdan, Aux Gémonies, Béziers, H&O, 2007 (238 pages)
Amitié, quelque chose en plus? Les garçons Matt et Vivien, reporters, se retrouvent dans l'enfer vert de la jungle de l'Asie du Sud-Est, quelque part entre Thaïlande et Laos, pour effectuer un reportage sur les champs de pavots et, de manière moins officielle, mettre leur amitié à l'épreuve. La rigueur des conditions leur fait apparaître une réalité bien plus forte, celle d'une attirance amoureuse. Cela, en dépit du fantôme d'Hélène, amie de Viven, que Matt n'a pas su sauver alors qu'elle se mourait. La relation des deux reporters survivra-t-elle à la captivité? Saura-t-elle se développer, donner corps aux rêves? Tel est fondamentalement le propos de ce roman. Son style est soigné, luxuriant même, à l'image de la forêt vierge; il sait se faire épique, voire étrange lorsque les deux journalistes se retrouvent en train de jouer, théâtralement, les scènes manquantes du film perdu d'un réalisateur italien, d'après l'"Orlando Furioso" de l'Arioste. Au final, une magnifique surprise, profondément originale.

Guy Hermet, L'hiver de la démocratie, Paris, Armand Colin, 2007 (216 pages)
Dans son dernier opus, Guy Hermet, spécialiste des populismes, avance une thèse des plus étonnantes: la démocratie est en perte de vitesse, elle pourrait même s'éteindre à un assez court terme, et personne ne veut rien voir. Son approche est étayée par des arguments originaux et des exemples concrets de pouvoirs qui concurrencent le politique (langue, économie, raréfaction des électeurs, essoufflement de ce que l'Etat-Providence peut encore offrir, etc.) Tout cela est exposé avec clarté, invitant à une saine réflexion sur notre époque.

Olivier Mathieu, Les pommes bleues, Paris, 2008 (48 pages)
Olivier Mathieu propose ici un petit ouvrage au lyrisme abouti et travaillé, à la fois ludique et fortement évocateur, pour un bilan de ce que fut son existence jusqu'à présent. Le lecteur y croise entre autres les personnages de François Villon, les femmes qui ont compté dans la vie de l'auteur, Alexis Curvers et d'autres personnalités, souvent disparues. Un petit délice à savourer pour la beauté du verbe et du drame.
Ce petit roman est hors commerce. A lire, désormais, ici: http://www.fattore.com/Pommes.htm

Vassilis Alexakis, Ap. J.-C., Paris, Stock. 2007 (391 pages)
Voyage initiatique ou réponse à une question posée? Le narrateur de ce récit s'en va, sur demande de sa logeuse Nausicaa, enquêter au sujet du Mont Athos afin de savoir s'il vaut la peine qu'elle lègue son importante fortune aux monastères qui s'y trouvent. Au fil des rencontres et des indications qui les dictent, il se retrouve embarqué dans une enquête quasi journalistique, très souvent éloignée de l'image angélique des monastères qu'on connaît. Au-delà des coulisses du Mont Athos, cependant, Vassilis Alexakis a voulu peindre ici, et c'est réussi, un tableau de la Grèce moderne, partagée entre son héritage philosophique et son patrimoine religieux, présentés comme insolubles l'un dans l'autre puisque la religion est le monde des certitudes alors que la philosophie est l'univers du doute. Rien d'idyllique donc... mais un roman d'une grande profondeur, d'une écriture très travaillée, qui sonne juste et étonne volontiers par de nombreuses anecdotes, primé qui plus est par l'Académie française.
A noter que j'ai rencontré hier l'auteur, à l'occasion d'une conférence - et juste avant, puisque nous étions dans le même compartiment du même train, et que j'étais en train de lire cet ouvrage.

Roy Lewis, La véritable histoire du dernier roi socialiste, Actes Sud, 1993 (321 pages)
Roy Lewis restera dans l'histoire comme l'auteur de "Pourquoi j'ai mangé mon père", fresque préhistorique jubilatoire et hilarante. Avec sa "Véritable histoire", il produit un récit plus sérieux, moins immédiatement cocasse.... sur la base des mêmes thèmes. Le lecteur se retrouve donc en train de sourire çà et là, non sans plaisir, en lisant un livre bien construit qui dénonce les dérives du capitalisme... mais aussi ceux du socialisme, que ce soit celui d'hier ou d'aujourd'hui. Reste qu'il n'est pas évident, toujours, de suivre Roy Lewis dans un système qui, pour exposer des idées, privilégie le dialogue.

Angel Corredera, La Confrontation, Vevey, L'Aire, 2004 (130 pages)
Presque un voisin de palier, Angel Corredera, puisqu'il enseigne dans un lycée de Fribourg! "La Confrontation" est son premier roman. Il retrace la confession d'un terroriste, arrêté et emprisonné à la suite d'attentats qui auraient pu être ceux du métro de Madrid. Le résultat est introspectif, forcément, mais donne aussi à voir plusieurs mondes en parallèle: celui des prisons, celui du monde libre, celui de l'amour même. Un nom à retenir.

Ernest Hemingway, Mort dans l'après-midi, Paris, Gallimard, 1938/Folio, 2003 (423 pages)
Retour à Ernest Hemingway, environ dix-huit ans après "Le vieil homme et la mer", et retrouvaille fort agréable. "Mort dans l'après-midi" parle de tauromachie, un sujet avec lequel je n'ai pas forcément d'atomes crochus, si ce n'est, peut-être, en vue du concours de nouvelles des éditions du Diable Vauvert. En outre, je m'attendais à un recueil de nouvelles sur le sujet - et me suis retrouvé avec un essai, ce qui secoue un peu en début de lecture. Mais, l'auteur, aficionado convaincu qui prêche pour sa paroisse, captive vraiment son lectorat, abordant son sujet par des angles parfois inattendus (il commence, par exemple, par parler des chevaux...). Son ton est celui de la discussion du connaisseur, toujours érudite et pleine d'esprit, et fait alterner la fierté, la beauté et la dignité des courses de taureau, et la décadence de certains de ses acteurs.

Chantal Pelletier, Intimités, Paris, Gallimard 2001/Folio, 2005 (113 pages)
Une découverte à deux euros. Et aussi une légère surprise: alors que le prière d'insérer annonce des nouvelles sombres autour de Bordeaux, et que la page de couverture montre un bouchon et un tire-bouchon en très gros plan, je m'attendais à des histoires de vin... eh! bien, pas du tout. Reste que tout cela est gouleyant quand même, et d'une lecture rapide. Chantal Pelletier n'est pas du genre "nouvelle à chute" inattendue et qui vous glace d'un coup. Sa force réside davantage dans la peinture des relations entre les humains: un homme écartelé entre son travail de surveillant de la qualité dans trois restaurants, sa deuxième femme impossible et ses deux enfants issus de deux lits distincts, une femme qui veut une nouvelle cuisine et l'obtient - mais à quel prix, une agente de police qui dévoile les secrets d'une famille d'antiquaires bordelais bien sous tous rapports, un club de femmes qui ont toutes un amant. Pas mal, pas mal - je me réjouis de lire autre chose de cet auteur.

Annick Stevenson, Blanche Meyer et Jean Giono, Actes Sud, 2007 (249 pages)
Se mettant dans la peau d'une chercheuse curieuse, l'auteur choisit de dévoiler un amour secret, bien caché mais marquant, de l'écrivain Jean Giono. Le résultat? C'est une biographie de l'amante en question, Blanche Meyer, peinte en esprit libre, à partir d'un témoignage inédit écrit de sa main. C'est aussi un portrait de l'écrivain, de ses écrits, de son caractère. Un bel ouvrage, donc, porté par un style fluide des plus agréables, vecteur de tendresse, mais aussi de passion et d'émotions fortes.

Martha Grimes, Le Collier Miraculeux, Paris, Pocket. 2005 (323 pages)
Etrange histoire que celle des homicides qui secouent le petit village de Littlebourne, près de Londres! Pour faire bon poids, l'auteur ajoute l'agression perpétrée contre une violoniste étudiante dans le métro londonien, et la mystérieuse disparition d'un collier d'une valeur importante. Tout cela, on l'a deviné, constitue un roman policier à la trame bien ficelée - du travail de pro. Avec cela, le lecteur fera connaissance, avec plaisir, d'une belle brochette de personnages hauts en couleur: le nobliau snob et imbuvable entouré de son imbuvable famille, la palefrenière qui tient tête à tout le monde et fait des coloriages, les membres d'un club d'ornithologie, un détective amateur riche à millions, quelques policiers bien sûr. Tout cela donne un roman qui n'est pas forcément génial et irrémédiablement accrocheur, mais reste très, très agréable à lire.

Jean-Paul Brighelli, La Fabrique du Crétin, Paris, Gawsewitch/Folio, 2005 (196 pages)
Un livre qui a dû faire des vagues lors de sa parution; les enseignants qui fréquentent cette confrérie doivent en avoir entendu parler. Il s'agit en effet d'une analyse/d'un constat alarmant sur l'état de l'école en France, à tous les niveaux, avec l'assertion qu'on prépare finalement les jeunes à devenir des êtres taillables et corvéables à merci par le Grand Kapital. On est avant tout frappé par le fort conservatisme, pas toujours de mauvais aloi s'entend, véhiculé par ce petit ouvrage qui adopte le ton du pamphlet, ce qui en fait la force... mais aussi la faiblesse, puisque l'outrance, les imprécisions (de la préface au corps du texte, on passe de 80% de réussite au bac à 80% d'une classe d'âge qui a le bac, ce qui n'est pas pareil) et les arguments douteux (vraiment, on ne veut plus de personnes hautement qualifiées? J'ai entendu dire que justement, plus il y en avait, plus on pouvait faire pression sur leurs salaires...) affaiblissent le propos. Celui-ci est cependant soutenu par un verbe musclé, et le tout, à la fin des fins, peut inviter à réfléchir.

Michel Mohrt, Les Nomades, Paris, Albin Michel, 1951/Folio, 2002 (325 pages)
Encore un de ces livres où il ne se passe pas grand-chose, et qui pourtant parviennent à vous passionner. Son propos? Les rencontres d'Européens expatriés aux Etats-Unis, et en particulier la naissance, la floraison et la mort d'une histoire d'amour entre le Français Pierre Talbot et la juive hongroise Franci. L'auteur explore les âmes, mais sait aussi planter le décor propice aux évolutions d'une foule de personnages sans racines: un musicien à l'inspiration difficile et sa famille aux quatre vents, des étudiants d'universités prestigieuses, quelques photographes new-yorkais. Dernière chose, mais non la moindre: le récit est porté par un style jamais pris en défaut, extrêmement soigné. C'est beau.

Christophe Dechavanne, La Fièvre du mardi soir, Paris, Edition°1, 1991 (153 pages)
On devine sans peine de quoi cet ouvrage va parler à son lecteur... Dechavanne en profite pour évoquer son propre parcours avant "Ciel mon mardi", et raconter son train de vie, non sans une certaine complaisance: il n'y a pas de raison de cracher dans la soupe! L'ouvrage a ses petites contradictions (par exemple, est-ce que la sécurité de tous les invités est vraiment assurée, comme l'affirme l'auteur?). Cela dit, il est porté par un style "tchatche" très dynamique, volontiers voyou, qui parvient presque à faire croire que "Ciel mon mardi", c'est plus qu'une émission: c'est une philosophie, un esprit et une famille.

Clémence Boulouque, Chasse à courre, Paris, Gallimard, 2005/Folio, 2007 (274 pages)
Avec "Chasse à courre", Clémence Boulouque explore le petit monde mal connu des chasseurs de têtes - ceux qui usent de tous les moyens pour trouver la perle rare qui manque à l'encadrement supérieur de telle ou telle entreprise. Son personnage principal fait figure d'arriviste, brillant, nommé associé de la direction de son employeur à peine passée la trentaine - mais fortement à la peine dans ses amours. Le style est résolument moderne et incisif, efficace, rapide.

Percival Everett, Effacement, Arles, Actes Sud/Babel, 2006 (364 pages)
Que diriez-vous d'une balade dans l'univers des Noirs de la côte Est des Etats-Unis, entre New York et Washington? Et aussi d'une exploration à peine ironique et décapante du monde littéraire du pays de l'Oncle Sam? Avec "Effacement", vous allez être servi. Ce roman relate en effet la destinée d'un écrivain afro-américain auquel la critique reproche volontiers de ne pas écrire assez "noir", au sens épidermique du terme, comme s'il existait une littérature spécifiquement noire. Or, voilà qu'il connaît un succès foudroyant et très enrichissant en faisant tout ce qu'il déteste: un livre rempli de clichés attendus sur les ghettos noirs. Commence alors un jeu de masques... Ajoutez à cela une vie de famille assez houleuse, et vous obtiendrez un roman des plus toniques. Voire deux, puisque l'auteur a jugé bon de livrer l'intégralité du roman "cliché" de l'écrivain-narrateur.

Robert Merle, La mort est mon métier, Paris, Gallimard, 1952/Folio, 2005 (370 pages)
Classique de la littérature relatant l'époque nazie, "La mort est mon métier" relate le destin de Rudolf Lang, chef et concepteur du camp de concentration d'Auschwitz. Pour son personnage principal, l'auteur s'inspire de Rudolf Hoess, qui a piloté le camp en réalité et a laissé un document écrit de sa main à ce sujet. L'auteur sait rendre son propos passionnant et accrocheur, grâce à une écriture efficace et à une utilisation judicieuse des rouages du genre romanesque. Les pages où Lang évolue comme nazi ne sont peut-être pas les plus fortes, surtout après d'autres lectures, même si, dans l'absolu, les réflexions de Lang pour trouver le meilleur moyen de tuer des prisonniers en masse donne froid dans le dos. Tout aussi puissantes, sont les premières pages, qui peignent avec maestria l'ambiance lourde qui pèse sur la famille du petit Rudolf.

Pour en savoir plus: http://fattorius.over-blog.com/

Pierre Autin-Grenier, Friterie-bar Brunetti, Paris, Gallimard/L'Arpenteur, 2005 (99 pages)
Un tout petit livre qui traînait chez moi depuis un bon moment... et aussi un instant savoureux. Pierre Autin-Grenier joue les auteurs qui doivent des textes à tout le monde pour justifier la teneur de son propos: un véritable hymne aux bistrots de quartier à l'ancienne. Sa langue est gouleyante comme un verre de Beaujolais bien frais, et gouailleuse comme un garçon de café parisien. Elle se met au service d'une défense et illustration des vieux cafés où tout le monde se connaît, où les plats sont simples et roboratifs et où l'ambiance ressemble à un grand voyage en chambre. Des cafés qui sont en voie de disparition, supplantés par des filiales d'assurances ou de banques - ce qui révolte le narrateur, qui finit par en appeler à la révolution...

Florentine Rey, Blandine-Marcel 2, Business Story, Paris, Michalon, 2007 (106 pages)
Ce bref roman fait suite à Blandine-Marcel, et en conserve l'esprit: le monde vu par un enfant qui s'est inventé un frère/soeur, Blandine-Marcel justement. Après l'épopée des vacances du tome 1, voici que la narratrice et son alter ego se lancent dans la création et la direction d'une fabrique de coussins à l'enseigne de B&M. A dimensions enfantines, cela donne des relations équivoques avec Welly, le voisin, à la fois concurrent et tout le temps fourré chez B&M; des lapins partout pour créer des coussins en peau de lapin (mais qui va les tuer?), des Roumains qu'on soupçonne en permanence, et des subventions qui ne viennent pas. Bref, une petite entreprise qui connaît ses crises... avec naturellement, de temps à autre, le rappel d'impératifs purement parentaux. Ce mélange des langages de l'entreprise et de l'enfance font de ce petit texte un moment de lecture agréable et savoureux, profondément original.

Michaël Perruchoud, Passagère, Lausanne, L'Age d'Homme, 2004 (128 pages)
Qui est Caroline? Quelle est cette femme qui semble se remémorer son existence au moment où celle-ci semble s'achever? Telles sont les questions que porte ce volume de l'écrivain genevois Michaël Perruchoud. L'existence de Caroline bascule au terme d'un voyage en Asie avec Thierry, interrompu brutalement par une rupture: Caroline prend alors l'avion, qui s'écrase... et survit à la catastrophe. Avec elle, Jean-Claude, qui deviendra le nouvel homme de sa vie, avec ses qualités et ses défauts. L'ouvrage est écrit par touches, l'auteur présentant des éclats de vie de quelques paragraphes, épars, passant de l'enfance aux jours de la vieillesse, pour constituer un portrait finalement bien vivant au caractère intemporel.

Patrice Juiff, Kathy, Paris, Albin Michel, 2006 (246 pages)
Essentiellement connu comme acteur, Patrice Juiff offre ici un roman compact, écrit à longs paragraphes constitués de phrases courtes qui accrochent irrémédiablement le lecteur et le piègent au long de la dramatique destinée de Kathy. Vendue à l'âge de trois ans, elle revient, à dix-huit ans, chez sa famille biologique, qui constitue un ramassis de personnages sordides et peu engageants sur lesquels les défauts s'accumulent. Elle tentera de conquérir leur coeur, souffrira le martyre sans rouspéter, et finira par trouver le moyen de se rapprocher de l'être qui, pendant tout le récit, aura été le plus froid avec elle: sa mère. Un livre qui se dévore, mais dont certaines pages sont dures.

Didier Daeninckx, Itinéraire d'un salaud ordinaire, Paris, Gallimard/Folio, 2007 (386 pages)
Qui est Clément Duprest? Dans le roman "Itinéraire d'un salaud ordinaire", c'est lui qui porte l'infamante désignation. Il exerce ses quarante années de fonctionnariat dans une période comprise entre l'Occupation et les élections présidentielles qui verront Mitterrand arriver au pouvoir, ce qui le fait traverser les pages les plus turbulentes de l'histoire de France: Occupation, lutte contre la montée du communisme, décolonisation, Mai 68, candidature de Coluche à la présidentielle. Duprest se trouve systématiquement dans la position du fonctionnaire fidèle, même aux idées et pouvoirs les plus abominables. Ca se lit bien, mais ça pose aussi quelques questions, ce qui modère un peu mon enthousiasme.
J'ai déposé une note développée sur mon blog:
http://fattorius.over-blog.com/article-18499278.html

Dominique Martin, Le petit garçon qui voulait atteindre les étoiles, Saint-Etienne, Gael, 2007 (109 pages)
Pas mal de tendresse dans ce petit ouvrage autoédité par l'auteur, qui constitue, en somme, le roman bref d'un garçonnet placé dans un orphelinat, que sa famille n'invite guère et qui doit passer ses vacances de Noël chez son oncle, sa tante et son grand-père en Bretagne. Le texte est assez touffu, parfois curieux, et l'édition n'est pas hyper-soignée (nombreuses coquilles et fautes d'orthographe). Mais l'auteur, malgré tout, fait preuve d'un beau sens de la poésie, et sait émerveiller par une phrase glanée ici ou là, ou en traçant de beaux portraits des personnages qui habitent son récit.

Alice de Poncheville, La martre, Paris, L'Olivier, 2005 (185 pages)
Un recueil d'une dizaine de nouvelles liées entre elles par l'idée de présenter des destins a priori ordinaires, touchés à un moment ou à un autre par une certaine grâce, par un événement qui les transfigure et qui doit parfois quelque chose au surnaturel, au mystérieux même. A chaque fois, par ailleurs, les animaux et les insectes jouent leur rôle. Un ouvrage d'une lecture agréable, qui parvient à intéresser le lecteur à des personnages des plus ordinaires et à le faire entrer dans son jeu.

Brina Svit, Coco Dias ou La Porte Dorée, Paris, Gallimard, 2007 (246 pages)
"Si tu écris sur moi, je t'apprends à danser": telle est la première phrase de ce roman, un pacte entre la narratrice et le tanguero Coco Dias. Elle donne le ton en présentant le deal, et le lecteur n'a plus qu'à se féliciter d'avoir choisi de continuer dans cet ouvrage à la construction intelligente, qui sonne vrai et fait voyager au rythme du tango, de Paris à Buenos Aires. Cela, tout en faisant quelques détours et en franchissant quelques passerelles par les "Ménines" de Velazquez et par l'ombre du personnage principal du roman avorté de la narratrice, qui hante ces pages.

Laurent Léger, Trafics d'armes, Paris, Flammarion/Enquêtes, 2006 (312 pages)
Toute guerre qui se respecte a ses fournisseurs d'armes attitrés... mais face aux embargos qui frappent les Etats belligérants, il faut parfois se fournir ailleurs qu'auprès des spécialistes institutionnels. C'est là qu'intervient le trafic d'armes. Laurent Léger présente ce monde lucratif et sinistre en choisissant de brosser les portraits des personnages qui ont marqué ce milieu. Des personnalités hautes en couleur, qu'il peint avec brio et un style journalistique qui sied bien au sujet. Une saine lecture, une bonne prise de conscience aussi.

Thierry Crifo, Pigalle et la fourmi, Paris, Baleine, 2001 (201 pages)
Un Poulpe assez particulier que celui-ci, puisque Gabriel Lecouvreur, grand pourfendeur de fascistes d'ordinaire, se retrouve à enquêter sur le décès mystérieux de ses propres parents, dans un accident de voiture. Cela lui permet de découvrir le quartier parisien de Pigalle, ce qui le change un peu et offre à voir moult poules pas toujours mouillées. Un roman agréable, qui fait passer un bon moment, mais qui peine un tout petit peu à décoller.

Marcel Jouhandeau, Prudence Hautechaume, Paris, Gallimard, 1927/1996 (221 pages)
Du génie à l'état brut pour ce recueil de nouvelles, de portraits, ou bien plutôt de destins, emblématiques des travers de la vie de province (et de la capitale, accessoirement). L'auteur peint en effet ici les personnages de la ville de Chaminadour, qui figure Guéret, et en retrace la destinée dans un univers marqué par un catholicisme omniprésent et par une ambiance encore très villageoise. Pour ne rien gâcher, le style est magnifique... A lire dans la campagne creusoise, un jour de pluie de préférence.

Bertrand Guillot, Hors Jeu, Paris, Le Dilettante, 2007 (286 pages)
Vous avez aimé "99 francs" de Beigbeder? Ou pas? Peut-être apprécierez-vous alors le premier roman de Bertrand Guillot, qui commence justement dans le faste un rien familier des sorties entre publicitaires et assimilés, avant de conduire le lecteur dans l'univers des jeux télévisés. L'auteur les décortique avec un regard détaché et savoureux; son récit est encore rehaussé d'une bonne grosse histoire d'amour finement menée, et de quelques piques contre les travers de notre époque où il faut soigner le stress par tous les moyens. Ajoutez à cela quelques trouvailles intéressantes qui invitent le lecteur à participer (éventuellement avec un comparse), et vous comprendrez qu'on a là un roman original et moderne.

François Mauriac, Les Chemins de la mer, Paris, Grasset, 1999 (322 pages)
Le patriarche de la famille Révolou, notaire de profession, se suicide, ruiné par ses amours illégitimes avec une danseuse. Pour ne rien arranger, Mme Costadot vient réclamer un avoir qu'elle a chez lui, équivalant à 400000 francs. A partir de là, François Mauriac présente la manière dont un nouvel équilibre finit par se trouver, entre alliances contre nature, coups bas, amours acceptées puis refusées, sournoiseries, etc. Il explore les coeurs avec beaucoup de finesse, les met pour ainsi dire à nu, sous un jour qui ne les favorise pas: aucun personnage ne sort grandi de l'histoire, sauf sans doute Rose, la fille répudiée, qui devient libraire et vole de ses propres ailes, et Pierre, qui finit par s'engager dans l'armée après avoir écrit des vers pendant toute sa jeunesse. Beaucoup d'acuité dans le regard de l'auteur, donc, ce qui rend ce livre éminemment intéressant, même si ce n'est pas le plus connu de François Mauriac.

Marie-Pierre de Cossé Brissac, Le Rubis, Paris, De Fallois, 2005 (331 pages)
Le roman de Marie-Pierre de Cossé Brissac relate la vie d'une famille de la haute noblesse française sous l'Occupation. L'histoire se passe dans la Loire, dans la propriété imaginaire de Loisans, qui paraît assez protégée des événements, mais pas forcément des angoisses qu'ils peuvent faire naître. Le récit se concentre sur les destinées des personnages, sur leurs amours. Au final, tout cela reste très classique, peu surprenant, pas du tout expérimental, mais solidement construit: une valeur sûre.

Tonino Benacquista, Malavita, Paris, Gallimard, 2004/Folio, 2005 (375 pages)
"Malavita" fait partie de ces bouquins qu'on ne lâche pas facilement une fois qu'on s'est lancé dans leur lecture. L'histoire, en deux mots? Ce roman raconte le récit d'une famille dont le papa est un mafieux repenti, domicilié incognito dans le bocage normand, caché par la police américaine, après qu'il a débiné tout le monde, mettant en péril l'existence même de la Cosa Nostra aux Etats-Unis. Naturellement, tous les membres de la famille (Papa, Maman, la fille et le fils) font leur lot de bêtises permettant à un esprit aiguisé de les retrouver. Ce qui ne manquera pas d'arriver - d'où grabuge dans le bocage. Tonino Benacquista fait à nouveau montre d'un talent: celui de laisser fermenter une situation, de mettre en place ses éléments avant de tout faire sauter dans un feu d'artifice colossal et dément. Remarquez, avant même le feu d'artifice final, c'est parfois dément... donc excellent! A noter qu'une suite vient de paraître chez Gallimard.

Pierre Moinot, Coup d'Etat, Paris, Gallimard, 2004/Folio, 2007 (247 pages)
A l'occasion de "Coup d'Etat", Pierre Moinot plonge son lecteur dans la France du coup d'Etat de 1851 et dans l'incertitude qui caractérise l'époque, même si celle-ci est filtrée par le fait que tout se passe en province, loin des bouillonnements de Paris. Méhus, vétérinaire de son état, doit se cacher en raison de ses convictions républicaines, chassées par le régime du Prince-Président qui se met en place. Après des aventures dignes des meilleurs romans picaresques, l'auteur parvient à créer une coupure en blessant grièvement son personnage principal et en le mettant en convalescence - ce qui l'amène à réfléchir sur la vie, l'amour, les hommes, tout ça. D'homme d'idées, il devient ainsi homme d'humains. Le romancier, Académicien français par ailleurs, offre ici un roman qui ne sombre pas dans la facilité, et dans lequel on peut percevoir la parabole de l'homme intelligent qui lutte contre les idées dominantes de son temps. Autant dire que même si l'histoire se passe en 1851, tout cela reste très actuel.

Nicolas Fargues, Rade Terminus, Paris, POL, 2004/Folio, 2005 (302 pages)
Destins croisés de plusieurs personnages échoués à Madagascar pour les raisons les plus diverses: trafics, missions d'ONG, tourisme, amour, commerce, etc. Ce roman offre un portrait nuancé de la vie dans la ville de Diégo-Suarez, entre fascination et répulsion; il propose également quelques portraits bien croustillants et des scènes dignes du grand cinéma. A ranger dans les bons livres, donc.

Roderick Thorp, Piège de cristal, Paris, J'ai Lu, 1988 (183 pages)
Il s'agit là du roman qui a inspiré le film "Die Hard 1: Piège de cristal", avec quelques différences et ajustements. Ca fait du bien de se replonger dans un thriller d'avant l'invention du téléphone portable; mais celui-ci prend vite une forme assez linéaire où un type cherche à en tuer douze autres, l'un après l'autre, tout en gérant ses rapports avec la police. Pour un surcroît d'émotion, on aurait apprécié que l'auteur donne davantage de place aux otages, qui constituent l'enjeu de cette histoire. Surtout que celle-ci a lieu pendant la nuit de Noël... élément peu exploité également.

Lauren Weisberger, Le Diable s'habille en Prada, Paris, Presses Pocket, 2003 (507 pages)
L'épopée tragi-comique d'une jeune femme qui vient de finir ses études universitaires et se retrouve propulsée au poste d'assistante de la rédactrice en chef d'un journal de mode absolument glamour et absolument tyrannique. On nage en pleine chick lit, mais pas seulement; et les scènes rocambolesques se suivent sans forcément se ressembler, un épisode impossible succédant à un autre à un bon rythme.
J'ai commis une analyse plus détaillée de ce roman sur mon blog. A consulter ici: http://fattorius.over-blog.com/article-19801388.html

Alix de Saint-André, Papa est au Panthéon, Paris, Gallimard, 2001/Folio, 2003 (365 pages)
Mettre quelqu'un au Panthéon, ça n'arrive déjà pas tous les jours, et c'est une opération d'Etat. Alors, quand le sort s'en mêle, quand on ignore si le panthéonisable est vivant ou mort, quand la fille de la personnalité en question est réticente, ça tourne vite au sac d'embrouilles. Alix de Saint-André trousse là un imbroglio qui évoque à la fois un certain Malraux (de par la personnalité du panthéonisable) et un certain Gide (celui des Caves du Vatican). Je ne suis pas intégralement entré dans son jeu (c'est quand même assez tordu), mais il faut reconnaître que c'est habile, et parfois même cocasse - et juste de la bonne longueur.

Dominique Noguez, La véritable histoire du football, Paris, Gallimard, 2006 (127 pages)
Dominique Noguez propose ici un recueil de nouvelles placé sous le haut patronage de Jorge Luis Borges. Ses textes sont volontiers inspirés par l'histoire et l'actualité littéraires, et relatent par exemple la rencontre probable entre Rimbaud et Lautréamont. Tout cela est construit sur de magistrales manipulations du réel, qui sont séduisantes pour le lecteur, à la manière d'un Borges - doublé d'un certain humour. Ah, et à propos: le football est une métaphore des errements de la rumeur!

Ivan Bounine, Tchekhov, Monaco, Editions du Rocher, 2004 (211 pages)
L'écrivain russe Ivan Bounine a fréquenté de près l'auteur Anton Tchekhov. Au terme de son existence, il décide d'écrire un ouvrage en forme d'hommage sur son illustre prédécesseur. Celui-ci est resté au stade d'ébauche, mais largement assez avancé pour permettre une lecture agréable, quoique pointilliste et fragmentaire. Un bémol toutefois: Bounine dépeint un univers qui nous est largement inconnu, celui des écrivains et auteurs russes. Résultat: en dépit des notes de bas de page pour situer les personnes, on se sent souvent un peu lâché dans l'abstrait. A noter, enfin, que cet ouvrage est enrichi de lettres de Mme Avilova, qui a été très, très proche de Tchekhov.

François Bégaudeau, Entre les murs, Paris, Verticales, 2005 (271 pages)
Le portrait sans fard d'une année scolaire, vu par un professeur de français enseignant dans un lycée "difficile" de Paris. Tout cela flotte entre désenchantement, cynisme, hypocrisie, etc., dans un univers où le professeur se fait bien plus souvent garde-chiourme que révélateur de talents. Reste que ça se lit bien et que c'est très riche, avec en particulier un travail approfondi sur la langue des dialogues. Et puis, ce petit livre prend soudain une actualité indiscutable!
Commentaire développé ici: http://fattorius.over-blog.com/article-20147491.html

Pierrick Bourgault, D'amour et de vins nouveaux, Beauvais, L'iroli, 2007 (169 pages)
Pierrick Bourgault conjugue vin et érotisme au gré de seize nouvelles sensuelles, souvent pleines de soleil, avec des chutes souvent bonnes et des ambiances toujours justes. Le recueil gagne encore en cohérence du fait de la récurrence de certains personnages. Le résultat est charmeur, et bien écrit, ce qui ne gâche rien.
Commentaire développé ici: http://fattorius.over-blog.com/article-20177456.html

Francis Mizio, D'un point de vue administratif, Paris, Baleine, 2008 (271 pages)
C'est l'histoire d'un bonhomme qui fabrique des camemberts pour l'administration française, et voit sa vie chamboulée lorsqu'il voit que le camembert, c'est bien meilleur et bien plus beau avec un coup de vin rouge du Chaman chilien... Vu comme ça, c'est surréaliste, mais c'est vraiment ça. A part, bien sûr, que les camemberts, ce sont des graphiques. Moins savoureux, n'est-ce pas? En revanche, le rouge est (presque) chilien, et il tache bien! Francis Mizio excelle à filer la métaphore culinaire tout au long de ce témoignage du petit monde de la fonction publique. Excellent!

Iegor Gran, O. N. G!, Paris, P. O. L., 2003/Folio, 2004 (181 pages)
De quoi me réconcilier avec cet auteur, dont "Téranésie" m'avait laissé une impression mitigée. Encore un roman administratif comme on les aime: deux ONG sont installées dans le même immeuble, et luttent pour la défense de leur territoire par des méthodes de guérilla absolument délirantes, allant de la démolition des affiches dans l'ascenseur à la vraie guerre, avec viols, morts et prisonniers dans les étages. Le tout est mené à un train d'enfer, avec un langage qui a deux ou trois particularités de langage savoureuses: l'utilisation du langage politiquement correct, par-ci, par-là, prend ici une tournure fabuleusement ironique. Miam!

Eric Knight, Sam Small prend son vol, Paris-Genève, Slatkine/Fleuron, 1996 (325 pages)
Sam Small, c'est un vieux bonhomme fortuné du Yorkshire, qui en a le caractère à la fois cabochard et pleind et bon sens, à qui il arrive toutes sortes d'aventures: un jour il sait voler, l'autre jour il se dédouble, une autre fois encore il hérite d'une chienne qui sait parler et se transformer en jeune fille. Comme il a une femme et une famille, ça crée parfois de petites étincelles... Ce recueil de nouvelles plein d'esprit est abordable pour tous ceux qui le trouveront, puisqu'il est épuisé; mais il fait sourire plus d'une fois, et les histoires, bien qu'elles ne datent pas d'hier, ont toutes un charme qui nous parle encore aujourd'hui. A noter que l'auteur est également le créateur d'une chienne célèbre: Lassie.
Analyse détaillée ici: http://fattorius.over-blog.com/article-20398054.html

Daniel Fazan, Morose foncé, Bex, Publi-Libris, 2007 (246 pages)
Le narrateur, artiste faisant partie des purs mais peinant à percer, parvient à s'imposer dans le monde des arts par des moyens où son talent compte peu, allant jusqu'à confier à des tiers le soin de confectionner ses oeuvres. Le succès l'amène à se détacher progressivement de tout entourage humain. L'auteur adopte la forme du journal, ce qui implique un jeu sur l'introspection; on entre donc tout doucement, peut-être difficilement, dans le vif du sujet - et tout d'un coup, on est embarqué. La machine continue à son rythme tranquille, mais plus ça va, plus on se demande jusqu'où l'escalade se poursuivra. Ecrit avec soin, cet ouvrage est, à sa manière, une réussite sur le schéma classique du bonhomme qui, grisé par son succès, décide de se venger de tout le monde.

Didier Leuenberger, Larmes sèches, Lausanne, Editions d'En Bas, 2006 (142 pages)
Témoignage poignant et engagé d'un enfant dont le père bat sa femme et la brime sans cesse. Il y en a pas mal comme ça, c'est pourquoi j'ai eu eu une certaine impression de déjà-lu. Reste que le récit est assez fort, d'autant plus qu'il est perçu, justement, à travers les yeux de l'enfant. La langue adoptée imite donc l'oralité, et la forme choisie (recréation d'un journal) amène le lecteur dans l'introspection. On suit donc le narrateur à travers ses joies (il y en a!) et ses peines, ainsi qu'à travers les circonvolutions de sa pensée et de ses sentiments.

Philippe Jaenada, Vie et mort de la jeune fille blonde, Paris, Grasset, 2004/Livre de Poche, 2006 (220 pages)
Un homme dans la trentaine finissante passe une soirée chez des amis. Le père raconte le destin de sa fille, Céline, qui est en train de mourir de maladie et de toxicodépendances dans le sud de la France. Or, le fameux trentenaire se dit qu'il doit s'agir de la fille qui l'a initié aux choses de l'amour, alors qu'il avait seize ans... et elle treize.Tout semble concorder; il part donc à sa recherche...
J'ai mis un peu de temps avant d'entrer dans le trip de l'auteur, qui prend un malin plaisir à multiplier parenthèses, excursus et éléments apparemment déplacés dans son récit. Mais à la fin des fins, le récit est cohérent et dynamique. Mais... on aime ou on n'aime pas; vous voilà prévenus! Je fais partie du camp des premiers.

Janus, L'évasion de C. B., Vevey, Xenia, 2008 (183 pages)
L'auteur offre un aperçu inédit de la non-réélection de C. B., ancien ministre suisse de justice et police, le 12 décembre dernier. Théorie du complot? L'ouvrage est bien troussé, et on sent le fin connaisseur des coulisses du Palais Fédéral. Pour ne rien gâcher, tout le monde en prend pour son grade, d'un bord à l'autre de l'échiquier politique suisse. Jouissif.

David Abiker, Le musée de l'homme, Paris, Michalon, 2005/Folio, 2007 (237 pages)
L'ouvrage relate des scènes de la vie quotidienne d'un père de famille métrosexuel (comme on dit), qui s'occupe d'un peu tout dans le ménage, y compris les enfants - sans forcément y trouver son compte. Le tout, sous la domination de son épouse: l'auteur affirme, avec le poète, que "la femme est l'avenir de l'homme", et que celui-ci a sa place... au musée du même nom. Parfois outrancier, l'ouvrage renvoie quelques images qui rappelleront quelque chose à certaines et certains d'entre nous. Le tout est écrit avec une certaine ironie, pas désagréable. A chacun d'y trouver ses petits...

Gérard Ramstein, Requiem pour une puce, Paris, Seuil, 2001 (383 pages)
Mystère et horreur sur Cambridge, où un étrange assassin dessoude un par un les plus éminents professeurs de l'auguste établissement en recourant à des fléchettes enduites de curare. Sur une telle trame, l'auteur amène son lectorat à découvrir certains éléments sympathiques des mondes des mathématiques, de la logique et d'autres univers connexes, comme Jostein Gaarder l'a fait pour la philosophie dans "Le Monde de Sophie". Le tout est rehaussé d'une pointe d'humour, et l'histoire fonctionne bien! Cela, d'autant plus qu'elle fourmille d'allusions qui parleront même aux plus férus d'informatique.

Laurent Trousselle, Marche, arrêt. Point mort, Fribourg/Genève, Faim de Siècle/Cousu Mouche, 2007 (203 pages)
Terroriste en Suisse, est-ce possible? C'est ce que tend à démontrer ce roman qui retrace la destinée d'un personnage qui, après un sévère accident en montagne, souffre d'une sorte de dépression dont il ressort avec des pulsions homicides qu'il mettra en oeuvre dans des lieux divers, propres à brouiller les pistes: école, train, etc. Ce petit thriller helvétique de style particulier, écrit par un auteur belge domicilié près de Zurich, recèle un suspens certain, où seule la toute fin vient éclairer l'ensemble. Ce qui constitue un tour de force de technique romanesque - je n'en dirai pas plus, pour ménager l'ensemble du suspens.
Présentation détailllée ici: http://fattorius.over-blog.com/article-20780762.html

Pascal Bruckner, L'amour du prochain, Paris, Grasset, 2004 (348 pages)
Le jour de ses trente ans, Sébastien, énarque et diplomate prometteur, décide de changer de vie et de glisser lentement dans le monde de la prostitution et du stupre, désireux d'offrir un supplément de bien et d'amour au monde. D'abord simple gigolo recevant dans un studio, il se retrouve sur une pente savonneuse qui le conduit entre les mains de la mafia balkanique, après l'avoir conduit à rompre avec tout ce qui faisait sa vie antérieure, travail, famille, amis. Arrivé au fond du bac, il demande l'aide de ses anciens amis, qui le tirent de ce mauvais pas qui a duré dix ans... mais qui tire les ficelles? Pascal Bruckner signe ici un roman immoral, où le christianisme (le titre annonce la couleur) et le mysticisme côtoient le stupre et la fornication. Et le pire, c'est que c'est vachement bien écrit...

Jean Raspail, Sire, Paris, De Fallois, 1991 (280 pages)
Jean Raspail signe ici l'épopée, la destinée même, de Philippe Pharamond, héritier du trône de France, qu'on s'apprête à sacrer et couronner en l'an de grâce 1999. De la superbe ouvrage, avec un zeste de magie qui se révèle petit à petit pour éclater en pages splendides. Pour ne rien gâcher, cet ouvrage se ressent de l'importante culture générale de l'auteur, et est empreint d'une grande sincérité. Un peu de nostalgie semble suinter des décors et des propos, et le fantastique n'est jamais loin... normal quand on parle des rois du passé et de l'avenir.
Lecture détaillée ici: http://fattorius.over-blog.com/article-21011185.html

Arnold Sènou, Ainsi va l'hattéria, Paris, Gallimard/Continents noirs, 2005 (162 pages)
"Ainsi va l'hattéria" est un court roman fort nourri et compact qui relate la destinée d'un enfant handicapé physique qui, malgré les épreuves et les quolibets, va devenir une personne honorable dans son pays - un pays d'Afrique noire qui pourrait être le Bénin ou tout autre. L'auteur livre ici sa vision d'un continent qui se bat pour sortir de ses problèmes, usant d'une langue riche qui se développe en longues phrases, en longs paragraphes qui ont quelque chose d'accrocheur.
Lecture détaillée ici: http://fattorius.over-blog.com/article-21063443.html

Scott Westerfeld. Pretties, Paris, Pocket Jeunesse, 2007 (385 pages)
Le rideau s'ouvre sur l'histoire d'une gamine de seize ans, Tally, récemment promue Pretty à la suite d'une opération qui la rend à la fois immensément belle et écervelée, avec pour seul but dans la vie d'être "intense". Son existence se résume donc à des fêtes sans fin, suivies de grasses matinées avec gueule de bois et recherche d'un costume pour la soirée suivante. Lors d'une fête, un Ugly (caste présentée comme inférieure) se rappelle à son bon souvenir et à une lettre. Alors, tout est-il vraiment pour le mieux dans le meilleur des mondes? Tally va chercher à s'échapper du monde vide et technologique (on est quand même dans une histoire de science-fiction) des Pretties, d'où pas mal d'aventures, entre autres avec un garçon nommé Zane. On peut se demander quel type de valeurs un tel ouvrage, destiné à de jeunes adultes voire à des jeunes tout court, veut véhiculer. L'histoire fonctionne plus ou moins, mais la première partie, avec son côté "bande de c..." dépourvu de complexes, a quelque chose d'énervant. Pas ce que j'ai lu de mieux, donc.
Cet ouvrage fait partie d'une tétralogie; un lecteur intéressé serait donc bien inspiré de commencer par le tome 1, "Uglies", qui, je suppose, plante le décor et permet de mieux comprendre certaines allusions du tome 2, "Pretties" justement.

Guillaume Tavard, Le petit grain de café argenté, Paris, Le Dilettante, 2003/Presses Pocket, 2005 (253 pages)
Un petit livre qui se lit rapidement et qui relate une année de la vie de Guillaume, 22 ans, embauché par Fresh, une entreprise de restauration rapide spécialisée dans les sandwiches et les cafés. La carrière du petit Guillaume va l'amener à tâter de tout cela et à découvrir ce que les entreprises peuvent avoir de foireux en termes de promotions en carton-pâte, de formations gommeuses, de perspectives filandreuses, etc. Le tout est raconté avec beaucoup d'agrément, dans une langue fort travaillée pour qu'elle reste simple.

Hervé Algalarrondo, L'archer du pont de l'Alma, Paris, Grasset, 2008 (236 pages)
Que feriez-vous si, un beau matin, votre corps ne vous répondait plus et se mettait à faire des gestes selon sa propre inspiration, sans suivre votre volonté? C'est ce qui arrive au personnage principal de ce roman, qui va finir par comprendre qu'il y a un dessein là-derrière: tuer quelqu'un au moyen d'un arc et de flèches, en plein Paris. Au-delà, c'est une sorte de révolution du corps qui se prépare. Ce roman est écrit dans un style classique mais efficace, qui captive et tient en haleine au gré de chapitres plutôt brefs mais bien structurés.

Ivan Sigg, L'annonce faite à Joseph, Paris, Julliard, 1999 (209 pages)
Ce roman décapant, hénaurme, truculent même à l'occasion, retrace l'enfance du petit Vladi, fils de Joseph, psy communiste, et de Marie, enseignante du même bord. Il prend des coups, en donne aussi de temps en temps, apprend à nager et s'instruit au tambour... autant d'occasions, pour l'auteur, de narrer des épisodes hauts en couleur au fil de chapitres brefs qui se veulent autant de photos des temps anciens (toute l'affaire commence en 1960). A noter, en particulier, un art consommé du jeu de mots, qui rend le propos volontiers très drôle.

Chantal Pelletier, Tirez sur le caviste, Paris, Suite noire, 2007 (93 pages)
Un bref roman pour rappeler que jeter sa femme morte, tuée d'une balle, dans le vinaigre en train de macérer, ce n'est pas forcément une bonne idée... Tout commence lorsqu'un caviste trucide son épouse, cuisinière désespérément nulle, et se met en quête d'une cuisinière pour la remplacer. L'affaire se poursuit, à deux voix puisque soudain, le chapitre 2 choisit d'offrir le point de vue de la cuisinière - du coup, le roman prend un petit coup de Virginie Despentes façon "Baise-moi". Sympa sans plus, rehaussé cependant par l'évocation de mille choses savoureuses.

Tracy Wilkinson, Les exorcistes du Vatican, Paris, ViaMedia/Litté, 2007 (249 pages)
L'auteur fait découvrir à son lectorat un monde méconnu, celui de l'exorcisme - qui ne se limite pas à quelque film célèbre, mais constitue une réalité bien concrète puisque la chasse des démons est une des missions de l'église catholique. L'approche est certes rationnelle, mais on salue l'effort consenti par la journaliste pour pénétrer dans le mode de pensée du catholicisme, tracer des portraits d'exorcistes (à l'exemple d'Emmanuel Milingo) et de "patients". Tout au plus notera-t-on une certaine faiblesse dans l'approche des cultes sataniques, assimilés un peu vite au fait de jeunes délinquants sans repères: on aurait aimé connaître mieux certains enjeux. Essentiellement menée en Italie, cette enquête est enrichie d'un chapitre consacré à l'exorcisme tel qu'il est perçu en France. Passionnant.

Anna Gavalda, Ensemble, c'est tout, Paris, Le Dilettante, 2004/J'ai Lu, 2007 (574 pages)
Sympa, cette histoire de quatre personnes qui se cherchent et se trouvent, soit à l'intérieur de leur carré d'as, soit à l'extérieur: une mémé, un cuisinier irascible, une jeune fille qui peint et ne mange pas, et un nobliau affublé de tics. J'ai pourtant eu un peu de peine à adhérer totalement au propos de ce long roman, construit en brèves séquences et en nombreux dialogues. Bref, un bouquin qui me laisse perplexe, sans que je le déteste vraiment.
Présentation détaillée ici: http://fattorius.over-blog.com/article-21530476.html

Larry Brown, 92 jours, Paris, Gallimard, 2001/Folio, 2003 (136 pages)
Encore une découverte à deux euros. Ce petit livre, grosse nouvelle ou bref roman, relate trois mois de la petite vie d'un écrivain qui lutte pour se faire publier et pour boire de la bière. Pour l'aider (ou pas), il y a l'agente artistique Betty, son ex-femme qui le pressure pour qu'il verse une pension alimentaire dont il n'a pas le premier centime, Monroe qui lui passe du travail de temps en temps. Un petit roman où il ne se passe pas grand-chose, mais qui s'entend à merveille pour camper les ambiances lourdes des après-midi surchauffées du sud des Etats-Unis.

José Luís Peixoto, Le Cimetière de pianos, Paris, Grasset, 2008 (375 pages)
Un ouvrage assez déconcertant que celui-ci, qui mêle habilement le deuil et les douleurs qui frappent une famille du quartier lisboète de Benfica et l'espoir dingue suscité par l'un des personnages, Francisco Lazaro, courant au marathon de Stockholm en 1912 (il y laissera sa vie). La prose de l'auteur est celle d'un styliste qui a le goût du travail, ce qu'on constate aux nombreuses répétitions, toujours porteuses de sens ou d'une fonction dans l'oeuvre. Ca se lit, ça se mérite, ça s'apprécie à la vitesse d'une course de fond.

Marie Laberge, Sans rien ni personne, Montréal, Boréal, 2008 (434 pages)
Emilien n'en a plus que pour six mois à vivre; mais il aimerait bien savoir comment sa fille Isabelle est morte, loin de Paris, au Québec. Il mandate Patrice, responsable des cold cases du Quai d'Orsay, qui va trouver une combine pour partir enquêter au Québec, en association avec Vicky, son homologue locale. Tout cela va les emmener dans un complexe imbroglio familial et villageois tout au long du Saint-Laurent, voire jusqu'à Saint-Pierre-et-Miquelon. Marie Laberge use ici d'un style solide et accrocheur, qui use sans complexe de québécismes à l'occasion; les dialogues sont plutôt bien caractérisés, et parfois assez fins. Et les relations entre les deux enquêteurs sont l'occasion de mettre en évidence plus d'une différence de mentalité, à l'instar de l'approche qu'on a de la cigarette de part et d'autre de l'Atlantique.

Maxime Vivas, La face cachée de Reporters sans frontières, Bruxelles, Aden, 2007 (258 pages)
Le présent ouvrage constitue un réquisitoire assez lourd contre l'organisation Reporters sans frontières. L'auteur s'est en effet adonné à une enquête à charge assez bien étayée, quoique orientée, mettant l'accent sur l'action de Reporters sans frontières au Venezuela, en Serbie, à Cuba, etc., mais aussi en épluchant les comptes de l'ONG et en allant voir qui la finance. Un ouvrage nécessaire donc, mais son équivalent neutre reste à produire.
Détails ici: http://fattorius.over-blog.com/article-21903227.html

Olivier Mathieu, Le passage à niveau, 2008 (294 pages)
Avec "Le Passage à niveau", Olivier Mathieu signe le dixième tome des aventures de Robert Pioche, son double littéraire. Le propos porte ici sur la soif d'amour absolu qui relie Robert Pioche et Sara, entre France et Italie. Cela, naturellement, sans oublier le contexte et l'arrière-plan chers à l'auteur. L'oeuvre prend volontiers la forme d'un dialogue précis entre deux âmes, entre deux coeurs, plutôt que celle de la description de lieux de vie. Elle témoigne aussi d'un apaisement relatif, qu'on ne trouve pas forcément dans d'autres textes du cycle. Enfin, la métaphore du "passage à niveau" renvoie aux trains et au danger qu'il y a à se pencher par la fenêtre. Un danger que l'artiste accepte ici de courir afin de voir plus loin, ailleurs, mieux, etc.

Philippe Routier, Le passage à niveau, Paris, Le livre de Poche, 2006 (123 pages)
Guillaume, mécanicien de locomotive, fonce dans une voiture malencontreusement placée sur sa voie avec trois occupants. Telle est la scène capitale... il va rechercher le contact avec Cyrille, un ami de la famille décimée. L'événement va lui ouvrir les yeux sur le métier de mécanicien, et lui rappeler, si besoin était, le danger de certains passages à niveau. Le propos est finement observé, psychologiquement bien construit, et bénéficie d'une terminologie qui trahit un auteur fin connaisseur de la SNCF. Je crois du reste savoir qu'il y travaille, comme son nom ne l'indique pas.

François Sureau, L'Obéissance, Paris, Gallimard, 2006 (156 pages)
Un petit livre qui met en scène le sympathique et véridique personnage d'Anatole Deibler, bourreau de Paris pendant la Première Guerre Mondiale. Sa mission? Aller exécuter un coupable à Furnes, en Belgique occupée par les Allemands - ce qui implique le transport d'une guillotine. Sujet sérieux traité avec adresser par l'auteur, qui fait alterner les points de vue et les formes d'écriture, en fonction des voix de ses personnages: le bourreau, sa femme, des officiers, des soldats, le condamné, etc. Le style est à la fois classique et solide, parfois rehaussé de quelques formules qui fleurent bon le vieux.

Michaël Perruchoud, Le martyre du pape Kevin, Genève/Fribourg, Cousu Mouche/Faim de siècle, 2003, 137 p.

Un des ces romans qu'on trouve trop courts: quelques éminences grises entourant le souverain pontife s'avisent que l'image de l'Eglise catholique doit être rafraîchie. Ils font donc appel à une équipe de consultants qui leur mettent dans les pattes, après casting, le pape Kevin Ier. Tout marche comme sur des roulettes... avec, naturellement, les petits inconvénients liés à un pape de 32 ans. L'auteur parvient à glisser le scandale du sperme sur le caleçon (un tout petit peu Monica Lewinski, tout ça!) et un décès grand-guignolesque à coups de hache, suivi de funérailles qui ne sont pas sans rappeler celles de Lady Diana. Ca commence en douceur, mais certaines pages sont savoureuses sous un ton faussement sérieux rehaussé de traits d'esprit. Au final... on en redemande!

Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck, Paris, Stock, 2007, 401 p.
Brodeck reçoit des villageois la mission de rédiger un rapport concernant le sort réservé par son pays à l'Anderer, mystérieux personnage venu de loin, qui joue le rôle de révélateur et finira tragiquement. Or, Brodeck est un rescapé des camps. Le parallélisme entre le sort réservé à l'Anderer et celui vécu par ceux qui n'ont pas réchappé des camps est pour le moins troublant... et Philippe Claudel sait mettre tout cela en évidence. Son écriture n'a rien de facile, elle se fait même ardue, et il faut être patient pour entrer dans son jeu. Mais l'effort en vaut la chandelle, tant le récit s'avère génial.

Jean Amila, Jusqu'à plus soif, Gallimard, 1962/Folio, 2005, 269 p.
Par où commencer? Marie-Anne, jeune institutrice bardée de principes, est affectée à un petit village de Normandie. Elle va se retrouver confrontée de plein fouet au problème de l'alcoolisme local, puisque là, tout le monde picole et protège le business du calvados et de l'alcool, dès sa plus tendre enfance. Elle fait ici la connaissance de contrebandiers, à l'instar de Pierrot, qui collabore avec les gros bonnets locaux et parisiens; de l'autre bord, il se trouve qu'elle est parente avec Augereau, flic de son métier, que les contrebandiers font volontiers tourner en bourrique. Bref, y'a de l'action dans ce roman qui se dévore et rappelle, dans plus d'une page, les films policiers français contemporains: pour un peu, on croirait voir la gueule inoubliable de Jean Gabin au détour d'une page...

Marc Vilrouge, La peau fantôme, Paris, Le Dilettante, 2005, 121 p.
En un bref roman décliné en flashes intenses, l'auteur, décédé le 15 janvier 2007 à l'âge de 35 ans, retrace le deuil de son narrateur, un deuil vécu à fleur de peau, littéralement. Cela donne l'occasion de découvrir l'épiderme dans tous ses états, tatoué, poilu ou non, sensible, touché, caressé, etc. Un excellent abrégé sur une thématique originale, placé sous le signe de "La Maladie de la mort", monologue de Marguerite Duras.

James Graham Ballard, Millenium People, Paris, Denoël, 2005/Folio, 2006, 475 p.
Révolution chez les classes moyennes aisées: celles-ci en ont marre de devoir se saigner aux quatre veines pour tout et n'importe quoi. Le psychologue d'entreprise David, personnage principal, se trouve emballé dans cette histoire parce qu'il se trouvait sur les lieux d'un attentat (un aéroport) où son ex-épouse a perdu la vie; c'est pour elle qu'il enquête. L'idée de départ est certes bonnes, mais le récit m'a paru assez froid. Pas un souvenir impérissable, donc.

Richard Forget, Le dossier noir du portable, Pharos/Jean-Marie Laffont, 2006, 293 p.
Ceci n'est pas un roman! Avocat de profession, l'auteur découvre, effaré, les irrégularités qui entachent l'installation du réseau de téléphonie cellulaire en France. Il apprend également le mode de fonctionnement de ce genre d'appareil, et les méfaits qu'ils peuvent faire subir au vivant. Cela, sans compter le rappel de l'occultation de rapports défavorables. Richard Forget offre ici un réquisitoire à la fois technique et fort accessible contre le portable, de plus en plus virulent au fil des pages, et prône le principe de précaution à son encontre.

Sumana Sinha, Fenêtre sur l'abîme, Paris, La Différence, 2008, 237 p.
Une pure merveille que ce roman, le premier écrit en français par cette auteur indienne, qui retrace la destinée de Madhuban, jeune Indienne mise au ban de sa famille parce qu'elle aime un diplomate français marié. Elle décide de faire sa vie à Paris, y connaît des émois amoureux, y travaille, s'y marie, y prend un amant, sans que jamais, elle ne soit vraiment intégrée. Eternelle touriste, Madhuban devient ainsi un "passager en zone de transit d'aéroport", chez elle nulle part, finissant par sombrer dans la folie au terme d'un impossible et brûlant amour avec David.

Antoine Geraci, Le Monologue de la chaise vide, Groslay, Ivoire-Clair, 2004, 61 p.
Il s'agit là du texte le plus fort que j'aie lu d'Antoine Geraci. Il relate la lutte que mènent, dans l'esprit d'une victime d'un accident sous suivi psychiatrique, les deux personnalités qui se sont mises à hanter son esprit - l'une intrusive, l'autre légitimement habilitée à rester. Le tout est constitué de phrases volontiers courtes où les points d'exclamation, de suspension et d'interrogation ne manquent pas, gage d'une lecture volontiers halentante, toujours forte, et très bien maîtrisée. A noter que ce texte a fait l'objet d'un spectacle.

Eduardo Mendoza, Le dernier voyage d'Horatio II, Paris, Seuil, 2004/Points, 2005, 225 p.
Horatio II est le commandant d'un vaisseau spatial chargé de conduire une cargaison de Vieillards Imprévoyants, de Délinquants et de Femmes Dévoyées quelque part au fin fond de l'espace. Cette mission, il l'accomplit après une carrière médiocre afin de s'assurer une retraite anticipée complète. Problème: les embûches vont se succéder sur son chemin, à commencer par les questions de ravitaillement. Tout cela est narré sur le ton de la franche rigolade, et les situations rocambolesques se multiplient au gré de trois stations spatiales plutôt étranges; ce roman prend donc des allures de caricature des poncifs de la science-fiction. Le tout, dans le style volontiers délirant dans lequel Eduardo Mendoza fait merveille.

Marin Ledun, Marketing viral, Vauvert, Au Diable Vauvert, 2008, 492 p.
Un solide polar à la française, voilà ce que propose Marin Ledun. L'histoire conduit le lecteur de Grenoble à Mende, mais aussi à Berlin, dans une action qui met en scène les dérives des bio et nanotechnologies. C'est efficace, malgré quelques longueurs et beaucoup d'informations théoriques qui passent souvent par les dialogues. Et en plus, ça fait réfléchir.

Annie Saumont, C'est rien ça va passer, Paris, Julliard, 2001/Presses Pocket, 2005, 151 p.
Les courtes nouvelles qui composent ce petit recueil témoignent d'un style, c'est certain. Mais à force, j'ai eu l'impression que tout le monde parlait un peu la même chose, narrateur et personnages. Un peu déçu, donc, par ces histoires - alors qu'Annie Saumont est considérée comme une maîtresse du genre.

Georges Flipo, Qui comme Ulysse, Paris, Anne Carrière, 2008, 253 p.
Quatorze nouvelles en partance, tel est le menu de ce magnifique recueil de Georges Flipo. Il emmène volontiers ses lecteurs en Amérique du Sud, mais pas seulement, et leur offre une prolongation des vacances à l'heure de la rentrée. Cela, avec un zeste d'émotion et quelques réflexions bien pensées. Et les fins de ses textes, qui ne sont pas toujours des chutes au sens où on l'entend un peu trop facilement, sont une invitation à rêver ou à continuer le voyage.

Gilles Leroy, Alabama Song, Paris, Mercure de France, 2007, 190 p.
Ce roman retrace la destinée de Zelda Scott Fitzgerald, épouse de Francis Scott. On l'a crue folle; l'auteur choisit de lui donner la parole. Cela donne un récit en petites touches et en chapitres brefs, où alternent justifications et tranches de vie. Un ouvrage bref, volontiers introspectif, p0ur un Prix Goncourt mérité.

Francis Scott Fitzgerald, Une vie parfaite, Paris, Folio, 2006, 116 p.
Folio propose ici un volume à deux euros rassemblant deux nouvelles particulièrement intéressantes et représentatives signées Francis Scott Fitzgerald, tirées du recueil "La fêlure". On se délecte à leur lecture, qui sont plus profondes qu'il n'y paraît - la première est en effet fondée sur des personnages quasi archétypiques afin de démontrer quelque chose de plus profond: la perfection dérange...
Analyse détaillée ici: http://fattorius.over-blog.com/article-23110502.html

Olivier Mathieu, Le pauvre coeur, Nantes, Editions des Petits Bonheurs, 2008, 23 p.
Olivier Mathieu fait preuve ici de tout son savoir-faire poétique afin de retracer un portrait de Minnie Bibble, personnage mineur mais attachant de l'oeuvre de Francis Scott Fitzgerald. On se retrouve donc face à un bref ouvrage qui, plus que l'action, privilégie la poésie et les beaux jeux de sonorités. A rapprocher des Pommes bleues, du même auteur, publié au printemps 2008.

Eberhard Raetz, Le dernier jour de l'espion Reiss, Vevey, L'Aire, 2008, 215 p.
Ecrivain et chimiste allemand installé en Suisse, Eberhard Raetz signe ici un roman fondé sur un fait divers réel: l'assassinat de l'espion soviétique juif Ignace Reiss à Lausanne, en 1937. L'ouvrage est fort documenté; l'auteur, pour sa part, puise dans son imagination pour boucher les trous et raconter comment a pu se passer la dernière journée d'un espion. Au final, le lecteur découvre un ouvrage qui fait la part belle à l'introspection et aux crimes du communisme, et réserve de nombreuses et splendides descriptions du Valais - et des lieux qui, à Lausanne, abritent le drame: on reconnaît certains endroits, voire certains établissements. Rien à voir avec un thriller, cependant, mis à part la présence d'un nid d'espions et, à la fin, d'un cadavre...

Thierry du Sorbier, Le Stagiaire amoureux, Paris, Buchet & Chastel, 2007, 200 p.
Amory est stagiaire dans un journal régional. Comme il est nullissime, le rédacteur en chef l'envoie dans un patelin où il ne se passe strictement rien. Il n'en faut pas plus pour que les événements s'emballent: tournage d'un film dans le même village, assassinats... mais d'un autre côté le stagiaire sait très bien produire des articles sur rien du tout. Une fable réjouissante sur la presse régionale, mais aussi sur les différentes manières de voir le monde, puisqu'Amory préfère découvrir le village profond (et ses femmes - sans quoi le titre ne serait pas justifié!) plutôt que de s'intéresser au cinéma.

Nicole Caligaris, Okosténie, Paris, Verticales, 2007, 307 p.
Deux prisonniers d'un régime sans visage se retrouvent dans une même cellule: le narrateur et le 53. Ce dernier va raconter sa vie à l'autre, par bribes correspondant à la lucidité qui lui reste entre deux séances de torture. La vie à l'extérieur est-elle enviable? Nicole Caligaris offre ici un roman long et poignant, parfois escarpé, toujours poétique, sur le caractère indicible et innommable du mal, ainsi que sur ce que la vie humaine peut avoir de dérisoire.

Jean-Luc Coatalem, Il faut se quitter déjà, Paris, Grasset, 2008, 121 p.
Mathieu, le narrateur, s'apprête à quitter l'Amérique du Sud, sans même un reportage promis au journal qui l'emploie. Ce faisant, il largue également son amante de quelques jours, Mathilde. Portrait d'un personnage masculin pétri des lâchetés du quotidien, cet ouvrage parfois amer, parfois heureux, fait également entr'apercevoir certaines régions méconnues - on aurait aimé en voir davantage!

Eric Brunet, Etre riche, un tabou français, Paris, Albin Michel, 2007, 253 p.


Dans un ouvrage aux allures de pamphlet mâtiné d'étude sociologique, Eric Brunet décortique le complexe rapport des Français à l'argent et, en particulier, à la richesse. Il analyse en particulier le sentiment de culpabilité qui existe selon lui dans ce contexte, et met en évidence les comportements que cela engendre - le tout, sur le ton docte d'une émission de "Capital" ou "Zone Interdite" sur M6.

Jean-Marie Gustave Le Clézio, Ourania, Paris, Gallimard, 2006/Folio, 2007, 336 p.
Que diriez-vous d'un voyage dans les profondeurs du Mexique? J. M. G. Le Clézio narre ici la destinée de Campos, une cité idéale expérimentale créée dans des régions reculées du Mexique. Cela lui permet de faire passer quelques grandes valeurs, en particulier en ce qui concerne la protection de l'environnement. Le tout est écrit d'une manière intelligente qui donne l'impression que l'auteur mérite le Prix Nobel qu'il vient de recevoir.

Roberto Saviano, Gomorra, Paris, Gallimard, 2007, 357 p.
Inutile de résumer cet ouvrage: on sait bien que c'est la description minutieuse de la mafia de Naples ou camorra, de son fonctionnement et de ses activités. Reste que cette lecture marquera plus d'une personne, tant la mafia touche à des domaines insoupçonnés et tant le respect de l'humain en est souvent absent. A noter, par ailleurs, qu'après cette saine et forte lecture, vous saurez tout, entre autres, sur votre chemise Valentino et sur l'un des habits les plus médiatisés d'Angelina Jolie. Cela, sans compter les dessous de la mozzarella de bufflonne...

Andrew Cockburn, Caligula au Pentagone, Vevey, Xenia, 2006, 271 p.
Cet ouvrage fouillé et très factuel retrace le parcours de Donald Rumsfeld, célèbre faucon américain, dont les faits d'armes qui ont suivi le 11-Septembre ont été fort remarqués. L'auteur dévoile de nombreux éléments des coulisses de la politique américaine, arpente les couloirs du Pentagone et relate toute l'aventure de la mise au point de l'aspartame et de sa commercialisation. Un portrait-charge assez lourd, étayé qui plus est par de nombreuses sources issues de la presse et de documents officiels.

Ron l'Infirmier, La Chambre d'Albert Camus, Paris, Privé/Roman, 2006, 284 p.
Il s'agit là de chroniques d'un infirmier, qui sentent le vécu en dépit de l'habituel avertissement en début de volume ("Toute ressemblance avec, etc."). Celles-ci sont de toutes façons couvertes par le voile de l'anonymat. Mais elles révèlent à chaque fois une humanité avec ses petites qualités et ses petites faiblesses, dans le style rapide et direct qui serait celui d'un blog, rehaussé d'un soupçon d'humour bien particulier puisque bien souvent, ces "tranches de vie" évoquent des personnes fort atteintes dans leur santé, voire à l'article de la mort. Savoureux.

Peggy Chabanole, Vous aimez les histoires?, Feurs, Claude Bussy, 2008, 65 p.
Un bref recueil de nouvelles qui se lisent sans peine, évoquant les destins de gens ordinaires. De quoi passer un beau moment avec une "biche" anorexique, quelques amis voyageurs, un enfant à naître. Le tout, en mode majeur: le plus souvent, tout est bien qui finit bien.

Hannelore Cayre, Ground XO, Paris, Métailié, 2007, 137 p.
Prenez un avocat véreux et jetez-le dans le business du cognac, à la suite d'un héritage. Vous verrez que le breuvage va rapidement mal tourner! L'auteur met en scène, en un bref récit - trop bref peut-être - le repositionnement d'une marque familiale de cognac en une grosse entreprise supposée vendre ses produits à un public plus large et plus interlope. D'où de nombreux contacts avec une faune peu recommandable, et quelques couplets sur "la faute de la société". Elle-même avocate, l'auteur parvient à camper un personnage principal relativement crédible (même s'il n'a pas le genre qu'on attend de lui - on est loin d'Ally McBeal!), et à placer quelques éléments de métier au fil du récit. Une lecture agréable, rapide, divertissante... et désaltérante par endroits.

Nimrod, La Nouvelle Chose Française, Arles, Actes Sud, 2008, 122 p.
Il s'agit là d'un recueil d'essais fort pertinent qui dépeint la difficile position de l'écrivain francophone non français, et en particulier de l'écrivain francophone africain, obligé de composer avec une réalité qui lui est propre (mais que doit-il en faire?), une histoire et une langue qui devrait être la sienne. Un ouvrage bien réfléchi qui appelle le débat.

Antoine Laurain, Fume et tue, Paris, Le Passage, 2008, 280 p.
Antoine Laurain propose ici un thriller machiavélique. Son principe est a priori assez simple: un fumeur se fait soigner de son péché mignon par l'hypnose, poussé par sa femme. Il fume encore, sans en retirer aucun plaisir, sauf lorsqu'il vient de tuer un humain... naturellement, le gaillard va rechercher cette sensation tout en faisant le vide autour de lui. L'ouvrage est construit de façon telle que le lecteur est obligé de prendre position, et choisir le camp des non-fumeurs n'est sans doute pas ce qu'il y a de plus drôle... Un tout bon ouvrage, délicieusement irrévérencieux, dont il a déjà été pas mal question dans la blogosphère.

Patrícia Melo, Monde perdu, Arles, Actes Sud, 2008, 207 p.
Avec "Monde perdu", l'auteur brésilien signe un épisode des aventures de Máiquel (c0mme Máiquel Jackson), criminel brésilien en cavale doté d'un coeur gros comme ça. Ce coup-ci, il part à la recherche de sa fille dans le cadre d'un road story aux accents de roman noir. L'ouvrage ne se dévore pas à la manière d'une série noire; mais il offre au lecteur attentif le portrait saisissant du Brésil d'aujourd'hui tel qu'on aimerait l'oublier, entre déforestation, paysans sans terre vivant vaille que vaille, autorités corrompues, mais aussi jolies filles et sentiments exacerbés. Un très beau texte, à sa manière - qui m'a fait penser à Le Clézio par certains aspects.

Pierre Dubois, Les Contes de Crimes, Paris, Hoëbeke, 2000, 257 p.
Dans ce savoureux ouvrage, Pierre Dubois pervertit les contes qui ont bercé l'enfance de tout un chacun, en particulier ceux de Grimm, mais aussi ceux de Perrault. On rigole volontiers avec lui, et on le suit aussi, à petites doses, dans son style archaïsant, tortueux, riche en vocabulaires parfois inventés. Et pour ceux qui aiment, l'auteur a également produit d'autres recueils du même genre.


Norman G. Finkelstein, L'Industrie de l'Holocauste, Paris, La Fabrique, 2000, 157 p.
Difficile de ne pas déchaîner les passions avec le propos que Finkelstein a choisi d'exposer: sa thèse, c'est que certaines organisations de défense des intérêts du peuple juif ont récupéré le génocide nazi à leur propre profit, afin de faire de l'argent avec ça et de faire pression sur tout ce qui est possible afin que leurs intérêts soient servis au mieux. Leur tactique? Sacraliser l'Holocauste, lui donner une capitale et capitaliser là-dessus (dans la version anglaise, l'auteur joue là-dessus), si nécessaire en spoliant les vraies victimes.
Qu'il me suffise de dire que vivant en Suisse et ayant, à ce titre, connu l'affaire des fonds juifs en déshérence (années 1996), j'adhère totalement à cette thèse, et comprends désormais mieux certaines choses. A noter que seul un Juif pouvait écrire un tel essai de manière crédible... ce qui n'a pas empêché son auteur d'être épinglé dans le dictionnaire de l'antisémitisme que Paul-Eric Blanrue a établi pour les éditions Scali. Allez comprendre...

Emmanuelle Pagano, Les Adolescents troglodytes, Paris, P. O. L., 2007, 216 p.
Le résumé de l'histoire tient en peu de chose: un transsexuel devient chauffeur d'autobus de ramassage scolaire dans son village de haute montagne plein de neige, qu'il/elle a quitté dix ans auparavant. Les courses sont l'occasion de réfléchir sur la vie, sur les enfants, sur soi et sur sa famille. Au final, on a un livre au style maîtrisé et travaillé, à l'oralité calculée, qui se lit avec plaisir.

Didier Daeninckx, Camarades de classe, Paris, Gallimard, 2008, 168 p.
Madame se fait passer pour Monsieur sur un forum d'anciens camarades de classe, après avoir intercepté un courriel qui ne lui était pas adressé. Voilà toute la trame de ce bref roman en un seul chapitre, qui comprend les deux dadas essentiels de l'auteur: la musique pop et la politique, de préférence de gauche. On peine à s'identifier aux deux baby-boomers bourgeois bohêmes parisiens qui constituent le moteur de ce récit, écrit dans un style fluide. Bref, bôf-bôf.
Il en est question ici: http://fattorius.over-blog.com/article-25039347.html

Benjamin Dolingher, Le Testament à répétition, Lausanne, Editions du Héron, 2007, 107 p.
Ecrit en français par un auteur roumain reconnu, cet ouvrage est un recueil de nouvelles où l'absurde règne en maître dans des univers souvent dépouillés qui permettent de mettre en évidence des intrigues au sens étrange: un médecin qui consulte son patient, l'ordre de succession sans fin des responsables d'une prison, l'arrestation d'un homme qu'on prend pour un éléphant échappé du zoo, etc. L'auteur n'est certes pas un immense styliste; mais il a le chic pour proposer des intrigues sobres qui font mouche.

Alexandre Najjar, Le Mousquetaire, Paris, Balland, 2000, 157 p.
Ce petit livre retrace la destinée du publiciste français Zo d'Axa, si anarchiste qu'il refusait l'étiquette même d'anarchiste, synonyme pour lui de classement... On croise ici tout le monde des petits et grands anarchistes français du tournant du siècle, et l'on voyage aussi pas mal, puisque les positions du bonhomme l'amènent à être exilé plus souvent qu'à son tour par des tribunaux franchement expéditifs. Un personnage méconnu - que ce texte fait revivre avec bonheur, grâce à un style agréable, parfois un rien hagiographique.

François Dufay, Le soufre et le moisi, Paris, Perrin, 2007, 224 p.
Le présent ouvrage retrace la destinée du groupe littéraire des Hussards, emmené par Paul Morand et Jacques Chardonne, écrivains compromis par leur collaboration avec le régime de Vichy, et comprenant des auteurs de la génération suivante, tels que François Nourissier, Jacques Laurent, Michel Déon, Roger Nimier, etc. Loin de Saint-Germain-des-Prés, du Nouveau Roman et de l'existentialisme ces auteurs marqués à droite vont leur chemin, faisant vivre une certaine manière d'écrire pendant vingt ou trente ans, après la Seconde guerre mondiale. Tout cela prépare l'avènement d'auteurs tels que Jean Dutourd ou Jean d'Ormesson; comprenons que l'Académie française n'est jamais loin!
Il en est question ici: http://fattorius.over-blog.com/article-25280805.html

Pierre Vinclair, L'Armée des chenilles, Paris, Gallimard, 2007, 156 p.
Etrange histoire que celle-ci, qui relate la destinée d'un fils qui se met à la recherche de son père biologique et de son père véritable, Luis. On découvre ici, peu à peu, une sorte de drame familial où l'inséminateur devient l'amant de la mère. Le tout est narré sur un ton fortement poétique, toujours très imagé, et parfois illuminé.

Thomas Paris, Avec ses moustaches, Paris, Buchet-Chastel, 2006, 148 p.
L'auteur relate ici l'histoire du kidnapping d'un patron de télévision par une de ses anciennes connaissances d'école et par sa bande de gentils suiveurs. On se retrouve donc embarqué dans une vraie-fausse histoire d'enlèvement qui tourne au canular, rehaussé par quelques bonnes pages. Pas hyper-hilarant, mais ce petit livre peut faire naître quelques sourires par son ton décalé.

Agatha Christie, Cinq petits cochons, Paris, Hachette, 2004, 308 p.
Hercule Poirot est invité à établir la vérité au sujet d'une affaire classée qui remonte à seize ans: la fille d'un peintre un peu caractériel veut savoir par qui celui-ci a été assassiné. Nous avons affaire ici à un roman construit d'une manière fort géométrique qui peut distiller un certain ennui - disons qu'il a un peu vieilli, même si l'idée est bonne. Le titre fait référence à une comptine qui est citée dans l'ouvrage.
Il en est question ici: http://fattorius.over-blog.com/article-25523126.html

Alain Soral, Vers la féminisation?, Paris, Bibliothèque Blanche, 1999/2007, 198 p.
Dérangeant, forcément dérangeant... Alain Soral dépeint les différences entre l'homme et la femme, à sa manière, et retrace les implications que cela a sur leur fonctionnement respectif - et conclut que quelque part, notre société fait fausse route. Les sources? Freud et Marx, naturellement. Le ton de l'ouvrage est volontiers provocateur, ne serait-ce que par la terminologie choisie (pétasses contre flippées, fiottes, etc.); mais il présente une grande force: on peut comprendre le propos de l'auteur... et donc se dire en accord ou en désaccord avec lui sans trop se prendre la tête.

Claro, Madman Bovary, Paris, Verticales, 2008, 197 p.
L'auteur propose ici une évocation jubilatoire du chef-d'oeuvre flaubertien Madame Bovary, sous forme de grand charivari où résonne, longuement, le célèbre incipit de ce roman. Les grands épisodes sont revisités de manière vigoureuse: grande sauterie avec stupéfiants pour le mariage des Bovary, jeux de mots sur le pied bot d'Hippolyte, interrogations sur l'art scénique en fin de roman, etc. Le tout est fort divers, et on ne s'ennuie guère! Ce fut une bonne surprise pour moi.

Andrea Bajani, Très cordialement, Paris, Panama, 2005, 102 p.
Avec énormément de poésie volontiers tragi-comique, l'auteur offre ici un certain regard sur l'entreprise en rapprochant l'ex-directeur commercial, licencié par lettre, et son successeur, chargé dans un premier temps d'écrire des lettres de licenciement. La mort est ici utilisée comme métaphore du licenciement, et vice versa. Et ce petit roman comprend de nombreuses allusions à toute l'hypocrisie d'une certaine pratique des ressources humaines. Ah - et en plus, ça se lit bien, et les personnages sont plutôt attachants.
Il en est question ici: http://fattorius.over-blog.com/article-25786973.html

Claude Ribbe, Le Crime de Napoléon, Paris, Privé, 2005, 201 p.
Napoléon Bonaparte est-il le sombre prédécesseur d'Adolf Hitler? La comparaison tient la route à cent pour cent pour l'auteur de cet ouvrage, en tout cas en ce qui concerne l'aspect de la vie de l'Empereur qu'il a choisi d'éclairer: le rétablissement de l'esclavage dans les colonies, en 1802, les révoltes, l'extermination des populations noires, etc. Claude Ribbe tient là un sujet splendide et méconnu, et l'observe de manière fort détaillée en partant de documents d'époque, ou presque. Sa prose se lit par ailleurs, littéralement, comme un roman. Dommage, cependant, que sa passion l'emporte parfois sur l'observation froide, poussant l'auteur jusqu'à traiter de "révisionnistes" les historiens plus cléments avec Napoléon Bonaparte et, parfois, à trop rejeter certaines responsabilités sur le colonisateur.

Myret Zaki, UBS, les dessous d'un scandale, Lausanne, Favre, 2008, 220 p.
Exemple emblématique que celui de l'UBS! Prise dans la tourmente des subprimes, elle a été obligée de se repenser en profondeur, et ça risque de faire mal encore longtemps. Et par-delà la plus grande banque de Suisse (où je suis client, donc intérêt supplémentaire!), l'économiste Myret Zaki, journaliste, explique de manière captivante les tenants et aboutissants de la crise qui a secoué le monde depuis 2007, en partant des Etats-Unis. Le traitement du sujet est complet, abordable sans être jamais bêtifiant. Une lecture utile et éclairante, donc, même pour un lectorat français.
Il en est question ici: http://fattorius.over-blog.com/article-26185135.html

Carlos Liscano, Souvenirs de la guerre récente, Paris, Belfond, 2007, 160 p.
Etonnante relecture et réécriture du roman "Le Désert des Tartares" de Dino Buzzati! L'auteur, un écrivain uruguayen qui a fait de la prison, ne revendique pas l'originalité à tout prix, mais assume ses passions et ses héritages. Sur ce coup-ci, il parvient à donner un nouveau sens à l'oeuvre magistrale de Buzzati, à la transfigurer à sa manière, en mettant en scène un personnage en quête de sens, enfermé malgré lui dans un camp de recrues militaires. La nature, et l'enfermement même (qu'on peut lire comme une métaphore de la dictature, dont on finit par s'accommoder voire faire son miel), vont y pourvoir.
On en parle ici: http://fattorius.over-blog.com/article-25904241.html

Julien Bouissoux, Voyager léger, Paris, L'Olivier, 2008, 177 p.
Ce petit roman relate une tranche de vie dont Tristan Poque, un écrivain de romans populaires jouant avec ses pseudonymes, est le centre et le narrateur. Le lecteur le suit dans ses pérégrinations parisiennes et dans ses pannes d'inspiration, jusqu'au moment où un défi insolite lui permet de renouer avec l'écriture d'une authentique littérature. Cet ouvrage écrit en roue libre se déguste sans faim, invitant le lecteur à voyager léger... comme le narrateur reste léger dans son propos.

Apsley Cherry-Garrard, Le pire voyage au monde, Paris, Paulsen, 2008, 646 p.
Membre de l'expédition qui mena Robert Falcon Scott au Pôle Sud entre 1910 et 1913, Apsley Cherry-Garrard relate ici cette odyssée dramatique qui vit la mort de valeureux pionniers, en plus de celle de nombreux animaux. L'expédition s'avère très difficile, le matériel n'est pas toujours adapté, Amundsen dépasse tout le monde, la météo se ligue contre l'équipe de scientifiques... qui ne perd jamais le moral et continue de garder, de bout en bout, un style très "gentleman", avec le thé de rigueur. Cet ouvrage est écrit de manière très vivante et humaine, et dresse de saisissants portraits des participants à l'aventure, humains ou animaux. Il est, enfin, illustré des photographies de l'expédition et des aquarelles de Wilson, également du voyage.
Il en est question ici: http://fattorius.over-blog.com/article-26242535.html

Cookie Allez, Le Masque et les plumes, Paris, Buchet-Chastel, 2005, 221 p.
Dr Jekyll et Mr Hide revu à la sauce germanopratine contemporaine, avec un soupçon de surréalisme: un professeur d'université un peu terne choisit de prendre un pseudonyme pour se lancer dans une carrière d'écrivain à succès. Le succès finit par dépasser le professeur, tout comme le personnage créé autour du pseudonyme. Schizophrénie? On est un peu dans ce trip-là, avec un personnage principal savamment sculpté et une certaine rouerie dans l'intrigue. Et seule la fin révélera qui fait la peau de... qui, déjà? Alerte, agréable, bien construit, un petit roman qui marche à fond, bien dans le style qu'affectionne l'éditeur, avec un regard acéré sur le cénacle artistique parisien.

Paule Mangeat, Côté Rue, Genève/Fribourg, Faim de siècle/Cousu Mouche, 2007, 137 p.
Douze nouvelles d'inspirations diverses, peignant souvent le mâle humain sous son jour le plus odieux, parfois sensuelles, parfois noires, parfois porteuses d'espoir quand même: tel est le menu de ce petit recueil à l'écriture très personnelle, volontiers dérangeante, ludique aussi. Pas forcément ma tasse de thé, mais il faut reconnaître qu'il y a quelque chose.

Jean-François Deniau, La lune et le miroir, Paris, Gallimard, 2004, 128 p.
Ce roman découpé en brefs chapitres fait naviguer le lecteur entre l'Europe occidentale et un continent qui pourrait être l'Afrique, sur les traces d'un personnage qui semble avoir une double vie: politicien à succès au nord, roi au sud. Cela permet de réfléchir sur les approches du droit, sur la différence et sur pas mal de trucs encore, dans un roman pourtant bref.


2 commentaires:

La confrérie des 10 001 pages a dit…

Hello !
non là vraiment, on n'est plus au coude-à-coude !
Tu as pris une sacrée putain de longueur d'avance !
Tu le trouves où le temps de lire tout ça ?
Confraternellement (c'est une confrérie), bonnes lectures,
Catherine

La confrérie des 10 001 pages a dit…

Le livre de Pierrick Bourgault me tenterait bien. C'est une maison d'édition suisse qui le publie ?
Bruno